Les pilotes qui y ont couru en championnat F1 le disent, le Grand Prix Historique de Monaco est une épreuve authentique, magnifiée par l’écrin naturel de la ville. Le circuit est exigeant mais adapté aux voitures anciennes. Moins rapide que Goodwood, il génère un niveau d’émotion comparable. Et cette année l’émotion trouvait nombre de foyers transcendant les époques, les lieux et les nationalités. Chaque jour de cette semaine, nous étofferons ce compte rendu d’un nouvel article.
Olivier Rogar
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ANTHONY BELTOISE
Les français par exemple étaient naturellement attirés par le stand Matra. Anthony Beltoise était engagé sur la Matra 120 B de 1971 jadis pilotée par Jean-Pierre Beltoise. L’hommage d’un fils à son père. La voiture était mise à la disposition d’Anthony par son propriétaire Christophe Caternet. En 1971 force est de reconnaître que la difficile saison des Matra de JP. Beltoise et C. Amon a précipité le départ du premier chez BRM. La voiture n’a donc pas un palmarès élogieux. Mais elle a un moteur. Et quel moteur que ce V12 Matra ! Il a tout pour nous charmer. L’esthétique. La musique. L’allonge. Ce moteur, cette marque, les stickers ELF nous rappellent une époque où tout un pays vibrait aux exploits de ses pilotes. Comment ne pas parler d’émotion ?
Au terme d’un roulage au circuit du Luc, la prise en main était faite. Les constats aussi. Ne pas pousser dans les tours certes, mais réussir à caser un pilote qui fait 15 cm de plus que le format du poste de pilotage n’était pas évident. Tant bien que mal, avec force réglages de la part des mécaniciens et abnégation de la part du pilote il est devenu possible de piloter cette voiture, sans toutefois être en mesure d’aller au bout de la quête de performance.
Anthony nous disait au terme des essais finis à la 13e place : « Ce matin, c’était une prise en main de l’auto. Voir comment ça freine, comment ça tourne. J’y suis allé à tâtons. Je ne suis pas dans les conditions idéales au niveau de la position de conduite. En fait je suis très, très mal installé. Dès que je veux passer de l’accélérateur au frein je tape dans la coque. Je suis trop grand. Déjà quand je roule, j’ai le genou qui touche la coque. Je dirais que je suis très lent lors du passage accélérateur-frein. Comme je relève beaucoup, j’ai peur de rater la pédale de freins donc j’assure énormément. Après on a un petit souci au niveau moteur. Pescarolo m’avait prévenu. Il m’avait dit, tu verras c’est un moteur qui n’a pas beaucoup de couple. C’est vrai que dès que tu es en dessous de 8000 trs/mn il n’y a pas grand-chose. Ici dans les épingles et les virages lents en « deux », je ratatouille énormément à la sortie. J’ai du mal à sortir des virages. Et je prends tout de suite quatre voitures de distance avec mes prédécesseurs… Je prends une valise complète. Bon, on m’avait dit de ne pas mettre la première. Je vais peut-être essayer de la mettre un peu. Elle est très courte. De fait je tourne sur quatre vitesses. »
Tu rends un bel hommage à Jean-Pierre : « Oui je le voulais. Ca fait plaisir à tout le monde. L’hommage est réussi dans ce sens-là. La volonté était de faire revivre tout ce qu’il a vécu ici. Les gens revoient la voiture. Rouler avec son casque de l’époque. C’est ça l’important. Ce n’est pas le résultat. Merci à Christophe Caternet. Merci à Elf ! »
Tu avais déjà eu l’occasion de tourner sur un V12 ? : « Non pas vraiment. C’est vrai qu’au niveau son, c’est exceptionnel. Je ne sais pas comment c’est de l’extérieur mais de l’intérieur c’est bien ! ».
La course avait très bien débuté pour Anthony avec sept places gagnées dans le premier tour et une cinquième position tenue pendant quelques centaines de mètres. Un très bon résultat pouvait être entrevu. Malheureusement quelque chose cassait dans le circuit d’essence et inondait le cockpit du dangereux liquide. La prestation d’Anthony prenait fin mais les regards échangés avec ceux qui l’entouraient en disaient long sur le moment que nous venions de vivre.
En 1971, Jean-Pierre au Grand Prix de France :
Photos © Olivier Rogar sauf dernière photo © JS