Richard Dallest a essayé la BMW 2002 Tii mise à notre disposition par Eric Chantriaux. Une voiture de 1972 comme neuve. A l’exception des jantes Gotti » d’époque », elle est totalement de série et a évité les affres de la « bidouille » trop fréquente sur ces bonnes autos. Action !
Olivier Rogar
Les essais de Richard Dallest pour Classic Courses :
AGS JH 17 Formule 2 1980
Bmw 2002 Tii 1972
Ford Mustang Bullitt 1967
Jaguar XK 150S 1959
Video de l’essai
Un peu d’histoire
Les bouleversements politiques des années 30 donnent à la « Bayerische Motoren Werke », une impulsion aussi forte qu’ambigüe. A l’instar de toutes les entreprises techniques allemandes. La marque bavaroise – dont les fondateurs Gustav Otto et Karl Friedrich Rapp ont cédé la place à un nouvel actionnaire, Günther Quandt – se met intensément au service du nouveau pouvoir. Outre les voitures et motos, il y a les batteries, le fonds de commerce initial des Quandt, puis à nouveau les moteurs d’avions, sous licence Pratt et Whitney dans un premier temps, puis en propre (pour les Focke-Wulfe 190). BMW créée aussi le premier turboréacteur moderne devant propulser les « armes secrètes » porteuses de tant de fantasmes pour ce 3e Reich dément.
Naufrage
Mais en 1945 il ne reste plus grand-chose des usines de production détruites par les bombardements à Munich ou démontées par les russes à Eisenach au titre des dommages de guerre. Le retour du front ou des camps de prisonniers des anciens ouvriers, remplacés pendant les années de plomb par une main d’œuvre forcée – et sacrifiée – permet un lent redémarrage de l’activité.
Redémarrage fait d’expédients propres à remobiliser les effectifs et permettre au savoir-faire de la marque de s’exprimer à nouveau. La forme importe moins que l’impératif de créer à nouveau de la valeur, fut-ce pour une population momentanément très démunie.
Une gamme baroque
La Bayerische Motoren Werke se retrouve donc successivement constructeur d’ustensiles électro-ménagers puis de motos et enfin de voitures. Ce qui donne dans les années 50 une gamme pour le moins originale, composée à une extrémité de la mini Isetta construite sous licence Iso-Rivolta, destinée à re-motoriser les masses (136 000 exemplaires produits en Allemagne contre 1000 seulement en Italie où elle est un échec face à la Fiat 500) et de l’autre des luxueuses V8 dont la plus emblématique est la Bmw 507, suggérée par l’importateur américain, Max Hoffman. Malheureusement son coût de revient prohibitif la prive de tout succès, aux USA comme en Europe. Si la voiture a une ligne magnifique, sa faible puissance et son prix exorbitant ont raison de l’enthousiasme de Hollywood. On peut faire le rapprochement entre cette stratégie et celle des constructeurs français d’après-guerre, continuant comme si rien ne s’était passé, à produire des voitures luxueuses et hors de prix pour un marché national exsangue. La situation de l’entreprise bavaroise semble devoir la mener, dans le meilleur des cas, à une cession au bénéfice de Mercedes-Benz.
Die Neue Klasse et 2002 Tii
C’est alors que Herbert Quandt rachète une partie des actions de la famille, bloque la possible vente et reprend la direction de la maison. Il change les méthodes de management, réoriente sa stratégie vers des modèles plus modestes et simples, à même de correspondre aux besoins du pays. Cette opération dernière chance repose sur un nouveau modèle qui fait office de slogan : « Die Neue Klasse ». Dessiné par Michelotti, la 1500 sort en 1962 et devient la colonne vertébrale d’une gamme homogène. Développée à partir d’une caisse autoporteuse 4 portes à 4 roues indépendantes et disques à l’avant et d’un moteur 4 cylindres en ligne à arbre à cames en tête et culasse alu, moderne et performant, développant 80 ch. Ce modèle est complété par une version 1800 en 1963 et cède la place à une 1600 cm3 en 1964. Les versions 2000CS coupés sont lancées en 1965. La version berline 2000 est lancée en 1966.
En 1966 apparaissent également les séries 2 (pour deux portes), également nommée Jubilé parce que lancée lors du cinquantième anniversaire de la firme.
Alors que l’importateur US Max Hoffman réclame une version sportive de la série 02, Helmut Werner Bönsch, directeur produit, et Alex von Flakenhausen, concepteur du moteur 2L M10 s’aperçoivent que, chacun de leur côté, sans concertation, ils ont fait installer un moteur 2L dans leurs 1602 personnelles. Ce qui les conduit à demander au Board la création de ce modèle. La 2002 apparait en 1968. Elle développe 100 ch en version simple carburateur et 120 ch en double carburateur ( 2002 ti). L’injection porte la puissance à 130 ch ( 2002 tii), cette dernière, lancée en 1971 sera produite jusqu’en 1975.
En compétition la BMW 2002 Ti puis Tii est appréciée de nombreux pilotes en courses de côte et rallyes jusqu’à la fin de sa production en 1974. Hans Stuck la conduisant à la victoire lors des 24 h du Nurburgring en 1970.
« Notre 2002 ! »
La voiture mise à notre disposition date de 1972. Sa couleur éclatante, à l’originalité et à la visibilité assumée relève bien de cette époque où l’automobile constituait un symbole de réussite et de conquête. On s’affichait sans état d’âme, on se montrait et on se faisait remarquer avec plaisir. Le temps des tristes couleurs de la culpabilité – ou de l’honorabilité convenue, sinon convenable, d’apparatchik – n’était pas encore venu… Notre voiture rouge orangé est en état d’origine, ni restaurée ni repeinte. 43 ans pourtant.
Intérieur
Voilà qui en dit long sur sa qualité de construction et les soins que son unique propriétaire lui a prodigués jusqu’à son arrivée chez le collectionneur qui nous a ouvert ses portes. Portes au nombre de deux qui ouvrent sur un intérieur de skaï noir respirant la simplicité, la rigueur et la qualité. Pas de fils baladeurs comme sur certaines autres sportives – même allemandes – L’ergonomie est bonne, les sièges confortables sinon enveloppants. Peu à dire, on y est bien.
Moteur et chassis
La plus forte tentation est d’ouvrir le capot pour voir ce qui s’y cache. En l’occurrence un moteur compact et simplement dessiné où tout est à sa place et visible. Le bloc alu est incliné vers la gauche, le collecteur côté opposé est plein de promesses. Ca respire la qualité mais on ne ressent pas l’émotion que peut inspirer un Alfa double arbre.
1990 cm3 (89*80 mm), 11 cv fiscaux, 130 ch DIN à 5800 tr/ mn. Compression 9.5. Injection mécanique Kugelfisher indirecte. Couple de 18.1 mkg à 4500 tr / mn, le moteur a vu son taux de compression progresser depuis la première 2002 et le régime de son couple maxi passer de 3500 à 4500 tr/mn. Gage de puissance supplémentaire mais aussi de moindre souplesse à bas régime.
Transmission aux roues arrière, Boite 4 avec levier au plancher. Boite 5 vitesses en option. Direction à vis et secteur. Suspension à quatre roues indépendantes, ressorts hélicoïdaux, jambes de force et triangles à l’avant, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs, leviers longitudinaux et obliques à l’arrière. Barres anti roulis sur les deux trains.
Freins à disques à l’avant, à tambours à l’arrière. Servo-frein en série. Pneus 165 HR 13. Poids 1010 kg. Vitesse : 186 km/h.
Style et carrosserie
Elle a la forme d’une vraie voiture. Celle que dessinent les enfants. Trois volumes. Un capot, un habitacle, un coffre proéminant. Carrosserie dite « coach » avec deux portes et une vitre latérale qui s’entre ouvre derrière le montant de porte ( B-pillar pour les anglais). La vitre de porte est complétée par un déflecteur. Accessoire sacrifié sur l’autel des petites économies bien avant l’apparition de la climatisation qui aurait pu justifier ce sacrifice … (Oui je suis un fana du déflecteur !) Un pli latéral souligné par un jonc chromé, quinze centimètres sous la ceinture de caisse, fait le tour de la carrosserie et donne à son profil un rythme formel lumineux, sobre et régulier sans aucun excès.
A l’inverse de toutes les tendances nées de la chasse aux gaspis, la calandre est inversée, générant quelques points de Cx, certes, mais donnant au profil de plusieurs générations de Bmw, une proue agressive.
Si notre exemplaire a des jantes Gotti d’époque qui lui donnent un côté « montée sport » comme on disait, son assise est large et légèrement tassée, celle d’un fauve prêt à bondir. Sa calandre inversée lui procure une tension dynamique du même esprit. En son centre, le fameux « haricot » surmonté par le logo blanc bleu, image stroboscopique d’une hélice en rotation.
Esthétique à la personnalité forte, renforcée par des accessoires qui ont toujours belle allure, rétroviseurs obus, feux circulaires, logos pleins de promesses. Quelques chromes aussi, placés pour souligner ce qui doit l’être en renvoyant la bonne lumière vers l’observateur. Michelotti a fait du bon travail. Et ne s’est pas plagié lui-même comme cela est arrivé trop souvent à d’autres carrossiers italiens peut – être trop sollicités. Le style plait. La production de Bmw est passée de 63 000 unités en 1965 à 182 000 en 1972 (dont 62 613 exemplaires en 2002 qui est le modèle le plus vendu de la marque).
Les concurrentes
Bmw 2002 Tii : 130 ch DIN – 186 km/h – 1 110 kg – 30 280 F
Citroën DS 23 ie : 130 ch DIN – 188 km/h – 1 340 kg – 28 440 F
Ford Capri RS 2600 : 150 ch DIN – 200 km/h – 1 070 kg – 28 295 F
Alfa 2000 Berlina : 150 ch SAE – 190 km/h – 1 110 kg – 28 950 F$
Illustrations et Vidéo © Olivier Rogar – Classic COURSES