LA MONTAGNE ET LA SOURIS
On allait enfin assister au Grand Prix que l’on guettait depuis le début de la saison. Pensez ! Avec Vettel et sa Ferrari en pole position et les Mercedes rejetées en troisième ligne au départ, il y avait de quoi saliver. La bataille serait pleine d’incertitude. Hamilton et Rosberg allaient probablement retrouver leurs atouts le jour de la course. Conséquence : les Ferrari et les moteurs Renault pourraient difficilement tenir les promesses affichées aux essais…
Johnny RIVES
Après la ruée vers le premier virage, la hiérarchie des essais était intacte, personne ne s’étant fourvoyé au moment d’embrayer. Vettel, Ricciardo et Raïkkonen conduisaient le bal devant les Mercedes bien placées pour réagir. Soixante et un tour et deux heures plus tard, Vettel, Ricciardo et Raïkkonen occupaient encore les trois premières positions, monopolisant le podium sans jamais avoir craint autre chose qu’une défaillance de leurs F1 respectives.
Si Red Bull avait misé sur une stratégie différente pour contrer Ferrari, la voiture de sécurité en avait décidé autrement. Les deux neutralisations qu’elle entraina (12e-18e tours, puis 36e-39e) invitèrent les principaux protagonistes à effectuer de conserve leurs changements de pneus. Et à reprendre la piste dans un ordre inchangé.
Voilà comment, finalement, la montagne a accouché d’une souris. La course n’a été pimentée par aucun coup de théâtre. Aucune incertitude. Les seules animations il a fallu aller les chercher dans l’arrière garde. Où les Toro Rosso, et particulièrement celle du prometteur Verstapen, ont tenté de maintenir le public en éveil. Un public qui attendait beaucoup plus. Beaucoup mieux.
LES MACHINES. – Qu’a-t-il bien pu arriver aux Mercedes ? Surchauffe excessive des pneus arrière, difficulté à mettre les pneus avant en température, d’où manque total d’efficacité, tel était le bilan après les essais. « On ne comprend pas ce qui se passe », disaient en substance aussi bien Hamilton que Rosberg. Aussitôt a surgi chez nombre d’observateurs l’idée que cette étrangeté était due à la récente restriction règlementaire concernant une mesure mieux circonstanciée des pressions de pneus. « Peut-être, a suggéré Alain Prost dans l’émission de Margot Laffite, mais je ne suis pas totalement convaincu. »
Symbolisant le surplace des F1 allemandes, un événement peu ordinaire s’est ajouté à ce manque de performance : la panne ayant conduit Hamilton à abandonner. Cela laissait la seule Mercedes de Rosberg en piste, lequel s’est contenté d’une modeste 4e place ne lui ayant pas permis de faire le bond au championnat du monde qu’il aurait pu espérer avec le retrait de son équipier. Dont l’avance est toujours confortable au championnat au point que, même s’il abandonnait à Suzuka prochainement, il resterait en tête de la course au titre au soir du GP du Japon. On verra bien, sur ce circuit autrement plus probant que celui de Singapour, si les difficultés des Mercedes étaient circonstancielles. Ou si, à l’inverse, le mal est plus profond et tient à une utilisation « limite » des pneus auquel Mercedes ne peut plus recourir à cause du nouveau règlement.
LES HOMMES. – L’aspect le plus positif de ce GP de Singapour est de nous avoir rappelé le réel talent de Sebastian Vettel. Celui-ci a magistralement dominé la course, distançant à sa guise le revenant Ricciardo dès que cela lui paraissait nécessaire. Puis contrôlant la situation en épargnant sagement sa mécanique et ses pneus – ce qui permit à l’Australien de lui souffler le meilleur tour en course pour 2/100 de seconde ! Les épreuves précédentes avaient mis en évidence un autre talent, celui d’Hamilton. Singapour a permis de constater qu’entre ces deux champions l’écart est difficile à mesurer. En tout cas, ils ont en toute certitude pris l’un et l’autre le pas sur leurs équipiers respectifs. Raïkkonen a révélé que pas un instant, même aux essais quand il s’était hissé en 2e position, il n’avait été à l’aise au volant de sa propre Ferrari. Ajoutant qu’il ne s’était jamais senti en mesure de faire mieux que Vettel. Ou même, plus modestement, de rivaliser avec Ricciardo pour la 2e place.
Si l’on voulait s’amuser aux tops et aux flops pour ce GP de Singapour, on placerait Max Verstapen à hauteur de Vettel et Ricciardo dans la première catégorie. En ce qui concerne les flops, les Marussia sont à leur place habituelle. En plus de leurs performances misérables, elles ont étonné en ne profitant pas de l’occasion de regagner un tour de retard comme cela leur avait été règlementairement offert lors d’une intervention de la voiture de sécurité. On y ajoutera Pastor Maldonado coupable d’un mauvais tacle sur Jenson Button. Ce geste incorrect n’a pas empêché Lotus de lui renouveler sa confiance pour 2016. Mais que sera Lotus en 2016 ?
Illustrations ©DR