Lors d’une visite familiale à Lyon il y a quelques semaines, je fus emmené au Musée Henri Malartre à Rochetaillée par un cousin sachant qu’il me ferait plaisir avec cette visite (« Toi qui aime les belles voitures… »). Mon plaisir fut double lorsque je découvris en entrant une voiture que je connaissais puisque j’en avais fait état dans une précédente note sur Rétromobile : (http://classiccourses.hautetfort.com/archive/2015/02/08/la-voiture-d-un-champion-5554593.html). Sauf que cette voiture-là n’est pas tout à fait la même que celle vue à Rétromobile en février dernier.
Pierre Ménard
Hervé Charbonneaux me l’avait dit lors de notre rencontre parisienne dans le hall 1 de Rétromobile devant la Wimille-Citroën : les deux modèles à moteur Ford-Vedette se trouvent, l’une au musée de Reims, l’autre à celui de Rochetaillée-sur-Saône, à quelques kilomètres au nord de Lyon. Tout en découvrant une auto finalement bien différente par certains détails du modèle à moteur Citroën, je reste quelque peu perplexe devant la fiche technique du musée, posée au pied de la voiture : elle indique une « Wimille de 1948 à moteur Citroën-Traction » ! La double sortie d’échappement à l’arrière ne laisse pourtant pas place au doute : la personne qui a rédigé cette fiche était un peu distraite ce jour-là. Contacté par téléphone quelques jours plus tard, le directeur du musée, Dominique Voltz, se montre étonné par cette information et, lors d’un second entretien téléphonique récent, m’annonce que l’erreur a été réparée. En examinant attentivement cette Wimille-Ford, on constate immédiatement que sa grande sœur propulsé par le 2 litres Citroën n’était que l’ébauche d’un projet ambitieux (on ne parlait pas de « concept-car » à l’époque). Autant la première est assez « brute de fonderie » avec ses rondeurs sans nuances, autant on sent une réelle volonté de design industriel dans la seconde.
Signe de l’adaptation future à la circulation urbaine, la JPW-Ford est munie de pare-chocs. Les optiques avant sont intégrées dans un petit bossage élégant de la carrosserie alors que les feux arrière, beaucoup plus gros, encadrent une plaque d’immatriculation elle-aussi agrandie. Le capot avant est plus profilé et la lunette arrière nantie de ses trois lames horizontales, même si elle n’offre pas une vue extraordinaire au conducteur dans son rétroviseur, est tout de même plus réaliste que le petit « fenestrou » (c’est un mot du Sud-Ouest, ne cherchez pas) de la version Citroën. De fait, c’est surtout à l’arrière de la voiture que les efforts du trio Charbonneaux-Leygonie-Viel semblent avoir porté : lunette élégante, coffreplus bombé et moins abrupt que la première version et sentiment général de fluidité mieux maîtrisée. Le vitrage des portières est désormais en double glace, et l’intérieur bien plus soigné que celui de la JPW-Citroën. On note les roues aux désuets pneus noir et blanc munies d’enjoliveurs brillants et, pour signer le tout, une belle plaque constructeur où le nom du champion visionnaire s’étire en rouge sur fond métal orne les capots avant et arrière.
Dominique Voltz a donc évoqué pour nous cette voiture qui fut acquise par Henri Malartre dès l’ouverture du musée en 1959 : « Ce sont ses petits-enfants qui nous ont dit cela, mais ils ne savent par contre pas dans quelles circonstances leur grand-père fut amené à acheter cette auto. C’est une voiture qui étonne beaucoup les visiteurs – l’immense majorité d’entre eux sont plus des curieux que des connaisseurs – de par son aspect extérieur et ses lignes profilées qui témoignent d’une excellente maîtrise aéro. Elle fut présentée à la presse il y a quelques années en « dynamique », ce qui veut dire qu’elle a fait quelques tours dans le parc du château. Elle est roulante, mais vous savez, faire rouler des véhicules de musée est difficile. Outre l’angoisse de l’accident, il faut les réviser complètement au niveau des joints, des durits qui sèchent et des pièces de sécurité. Et les crédits alloués ne permettent la plupart du temps pas de se livrer à ce qui serait un plaisir pour nous et pour les visiteurs ». Cette Wimille-Ford paraît pourtant dans un tel état de fonctionnalité qu’on se prend à rêver de la voir un jour sur une route lors d’une manifestation. Un généreux mécène aurait-il le goût de rendre ce rêve réalité ?
Musée automobile Henri Malartre 645 Rue du Musée 69270 Rochetaillée-sur-Saône Tel : 04 78 22 18 80 http://www.musee-malartre.com/malartre/
Photos : 1, 3, 4 & 5 JPW-Ford © Pierre Ménard 2 JPW-Citroën © DR