Parler de F1 moderne sur Classic COURSES, sacrilège ou égarement ? Cette passion que nous partageons, nous la vivons généralement depuis quelques – dizaines- d’années et la prolongeons, pour nombre d’entre nous, avec la F1 moderne. Le marketing, l’aérodynamique et la sécurité ont pris une place importante, le pilotage demeure néanmoins le facteur clé et la compétition reste l’affrontement d’individus qui se surpassent avec les moyens, tous les moyens, dont ils disposent. Nous avons donc délibérément fait le choix de construire cette passerelle entre présent et passé. Luc Augier a accepté de nous accompagner dans cette démarche avec un billet d’humeur F1, après chaque Prix.
Classic COURSES
Le public américain, friand de spectacle, d’action et de scénario à rebondissement a-t-il été conquis par la démonstration de Sebastian Vettel ? La domination du jeune quadruple champion du Monde a été éblouissante. Sa série ininterrompue de neuf victoires depuis la « trêve » de l’été établit un nouveau record dans les annales. Sa maîtrise absolue -pole position, domination de bout en bout et record du tour- rappelle celles de Jim Clark, d’Ayrton Senna ou de Michael Schumacher en leur temps avec, chaque fois, les mêmes ingrédients : une monture supérieure à la concurrence, certes, mais aussi une capacité hors du commun à en tirer le meilleur parti.
Son triomphe des Amériques, Sebastian Vettel en a jeté les fondations en qualification : en retard sur Mark Webber sur les deux premiers secteurs, il n’a pas démissionné et lui a soufflé la pole dans les tout derniers virages. Au départ, il n’a pas spécialement réussi son envol mais a pu néanmoins émerger en tête du premier virage. Dès lors, il avait réussi l’essentiel : faire la course en tête, donc rouler dans un air « calme », sans les perturbations aérodynamiques, pour pouvoir « gérer » ses pneumatiques à sa guise. « Gérer » les pneus, le mot est lâché.
C’est parce qu’il roulait lui aussi dans un air calme, le plus souvent à une demi douzaine de secondes ou plus de la Red Bull, que Romain Grosjean a pu gérer les siens avec une égale maîtrise. C’est parce qu’il fallait « gérer les pneus » que Lewis Hamilton n’a opposé aucune résistance à l’attaque de Mark Webber : son objectif n’était pas de se battre pour la troisième marche du podium mais de conserver des ressources afin de résister à une éventuelle offensive de Fernando Alonso. Battant s’il en est, Hamilton en est à mettre ses ambitions personnelles en sourdine pour préserver les intérêts de Mercedes face à Ferrari dans le championnat constructeur ! C’est parce que ses pneus se sont trop dégradés dans le sillage perturbé de la Lotus que Mark Webber a dû renoncer à la « chasse au Grosjean » après deux tentatives de rapprochement infructueuses. C’est parce qu’il n’est jamais arrivé à trouver la bonne « fenêtre de fonctionnement » de ses pneus en même temps pour le train avant et le train arrière de sa Mercedes que Nico Rosberg s’est relégué en douzième position sur la grille de départ, à sept places de son coéquipier Lewis Hamilton. Chez Ferrari, même déconvenue pour Felipe Massa par rapport à Fernando Alonso. Avec, pour tous les deux, la perspective d’une course galère et l’impossibilité de se dégager du peloton sous peine de massacrer ses pneus ! A l’inverse, par quel miracle Valtteri Bottas avait il pu hisser sa Williams en neuvième position, se créant ainsi l’occasion de prouver ce dont il était capable en course ?
C’est en changeant de pneus et en ravitaillant à mi course que Juan Manuel Fangio a remporté sa plus mémorable -et dernière- victoire sur le Nürburgring en 1957. C’est avec le même train de pneus « bien rodé » que Jim Cark gagna plusieurs Grand Prix de rang en 1963. C’est parce qu’il avait l’art de gérer ses pneus qu’Alain Prost imposa souvent sa loi. Le paramètre a donc toujours fait partie de l’histoire de la Formule 1. En revanche, ce qui est nouveau et préoccupant, c’est qu’il contraint aujourd’hui les pilotes à s’auto limiter dans un exercice censé être avant tout un sprint de 90 minutes et non une épreuve d’endurance. A cet égard, le Grand Prix des Amériques aura été caricatural et il n’est pas acquis que le public ait apprécié.
Luc AUGIER
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