Lorsque François Blaise, nous a écrit pour nous communiquer ces documents, dont le personnage central était sa soeur Marie-Christine, il nous a semblé que l’histoire ne pouvait qu’être contée par cette belle absente.
Olivier Rogar
Salut p’tit frère,
On y est ! Dans quelques jours les moteurs vont rugir dans les Hunaudières et Le Mans sera en pleine effervescence pour une quinzaine. Ca doit rappeler des souvenirs au gamin de 15 ou 16 ans que j’adorais amener avec moi sur ces courses qui me passionnaient. Et qui ont fini par te passionner aussi.
De là où je suis, mon esprit vagabonde parfois, jamais loin de toi et de ceux que j’ai aimés. Tant m’ont rejoints depuis… Pas de chance cette néphrite. Ton rein m’a donné dix années de sursis et de bonheur. Pas de quoi profiter des seventies malheureusement. J’ai l’impression que vous vous êtes tous bien amusés avant que la parenthèse ne se referme…
Notre Papa pilote (d’avion) savait-il qu’il inaugurait pour nous une ligne directe Casablanca-Le Mans ? Je sais, encore un raccourci ! Mais les amis de Casa étaient si mordus de courses… Sans eux, en aurions-nous-entendu parler autrement que lors des accidents relayés par la TSF ?
Nous avons eu de la chance. Les vacances en France, les courses de côte, les Grands Prix, le Tour de France Auto…De belles rencontres. Des amitiés comme avec la famille de Richard von Frankenberg, le journaliste – pilote, chez laquelle j’allais en vacances.
Alors je suis devenue une habituée des stands Porsche. Aujourd’hui on dirait une groupie, mais ça n’a rien à voir. C’était des amis. Je me rendais utile, je prenais les temps, faisais des films, des photos, tenais le tour par tour. Non pas une groupie, quelle horreur !
Peu à peu j’ai connu tous les gens qui gravitaient autour de Porsche. Pas question de plaisanter avec Ferry, mais Wolfgang von Trips ne me laissait pas indifférente, je dois l’avouer. Et Hans Hermann, Edgar Barth, Huske von Hanstein, donnaient à cette écurie un air de famille plongée dans une grande aventure. Une aventure plus large que la vie. Une vie que nous avions le sentiment de croquer à pleines dents.
Tu t’en souviens, en 1956 ils m’ont invité au Mans. Quelle chance !. Sur le tableau de Walter Gotschke je suis assise à gauche et regarde Wolfgang et Richard en plein ravitaillement, pendant que passe sur la piste la Jaguar type D des futurs vainqueurs, Sanderson et Flockhart. Ferry Porsche est visible au fond. J’aime bien cette image. Mais j’étais active. J’ai tenu le tour par tour pour Wolfgang. Il a apprécié. Et m’a fait plaisir en me dédicaçant le livre de Richard : « Wolfgang von Trips, avec mon amitié pour une belle dame qui a aidé à passer [les] temps aux 24 heures du Mans. ».
Puis j’ai fait ce film avec la caméra 8 mm. Bon il faudra que ceux auxquels tu le montres pardonnent mon manque de maîtrise. Mais les connaisseurs d’aujourd’hui apprécieront peut -être ces images en couleur qui changent de celles en noir et blanc.
Les couleurs du soleil, du ciel, de la vie, de la vitesse et de la joie. Les images en noir et blanc me donnent toujours l’impression du danger et d’une ambiance triste. Comme si le soleil n’existait pas avant la couleur…
Incroyables ces départs sprintés…et l’étroitesse de la piste. Cette année la course avait eu lieu fin juillet du fait des travaux rendus indispensables par l’accident de 1955.
Tiens, Peter Collins ne conduisait pas pour « mon » écurie, mais on le voit bien sur mon film… De même que Claude Storez, Richard, Wolfgang, Olivier Gendebien, Maurice Trintignant…
Tout cela est fini maintenant. L’amitié, l’admiration, la joie de vivre l’éphémère ont cédé la place aux grands projets, au retour sur investissement et au marketing… Mais je suis fière de t’avoir passé le relai petit frère. Trente années comme Commissaire de piste à Monaco !…Tu devrais en parler à tes amis…
…Après le Mans !
Marie-Christine
Récit par François Blaise
Texte par Olivier Rogar
Photos film et documents famille Blaise